LGBTQIA+

La grossesse des hommes : un impensé juridique et médical

10/10/2023
Par Cha Toublanc

Crédit photo : Roberto Bete et Erika Fernandes pour la campagne Calvin Klein. © Instagram

Faire passer la souris sur les mots cachés pour les lire
10/10/2023

La grossesse des hommes : un impensé juridique et médical

Par Cha Toublanc

Crédit photo : Roberto Bete et Erika Fernandes pour la campagne Calvin Klein. © Instagram

Faire passer la souris sur les mots cachés pour les lire

Jusqu'en 2016, les hommes trans étaient contraint de se faire retirer l'utérus pour changer de sexe à l'état civil. Depuis, ils peuvent être enceints. Pourtant, des institutions médicales, à la sécurité sociale en passant par la loi, rien ne semble s'être adapté à cette possibilité.

La loterie de l'état civil

En 2019, Ali donne naissance à sa fille. C’est le premier père a accouché avec un état-civil masculin. Il obtient une reconnaissance de sa filiation hors des cases genrées en inscrivant «Salomé, née d'Ali, né le... et de François, né le...». Aux yeux de la loi, la personne qui accouche est encore automatiquement reconnue comme mère de l'enfant. Toute autre mention sur les actes de naissance s’obtient "au bon vouloir des tribunaux et juridictions" , regrette Béatrice Denaes, coprésidente de l’association Santé Trans France. “Certaines mairies, comme celle des Lilas (Seine-Saint-Denis) où plein de mecs accouchent, ne posent pas de problèmes, mais beaucoup d’autres refusent d’inscrire père," soupire Eva-Luna, une <link-text>doula<link-text> qui accompagne des personnes <link-text>queer<link-text> dans leur projet de parentalités.

Le 5 juillet dernier, les député.es de la France Insoumise ont déposé une proposition de loi qui étend la procédure de reconnaissance conjointe anticipée d’un enfant à tous les couples, y compris ceux dont « l’homme accouche de l’enfant ».

Exclus de la PMA

Si depuis 2021, les couples de femmes et les femmes seules peuvent avoir recours à cette technique, les personnes ayant un état-civil masculin en sont exclus. Comme tant d’autres médecins, Noémie Ranisavljevic, gynécologue-obstétricienne à Montpellier, se retrouve ainsi à conseiller à ses patients, qui congèlent leurs ovocytes pour ensuite pouvoir être enceint, de ne pas changer leur état-civil. Si un homme a encore un sexe féminin à l’état-civil, sa relation est considérée comme lesbienne et le don de sperme est possible. “C'est frustrant pour ces hommes qui ne peuvent pas aller au bout de leur démarche de transition sociétale”, s’agace celle qui dénonce “une forme de discrimination“.

L’utilisation de leurs propres ovules est impossible en France, de nombreux hommes se résignent à se rendre en Espagne, où la PMA leur est ouverte. Coût de l’ensemble du traitement ? 3 000 euros. “Cela crée une vraie inégalité”, déplore Arnaud Reignier, médecin biologiste au CHU de Nantes.


10/10/2023

La grossesse des hommes : un impensé juridique et médical

Par Cha Toublanc

Crédit photo : Roberto Bete et Erika Fernandes pour la campagne Calvin Klein. © Instagram

Jusqu'en 2016, les hommes trans étaient contraint de se faire retirer l'utérus pour changer de sexe à l'état civil. Depuis, ils peuvent être enceints. Pourtant, des institutions médicales, à la sécurité sociale en passant par la loi, rien ne semble s'être adapté à cette possibilité.

La loterie de l'état civil

En 2019, Ali donne naissance à sa fille. C’est le premier père a accouché avec un état-civil masculin. Il obtient une reconnaissance de sa filiation hors des cases genrées en inscrivant «Salomé, née d'Ali, né le... et de François, né le...». Aux yeux de la loi, la personne qui accouche est encore automatiquement reconnue comme mère de l'enfant. Toute autre mention sur les actes de naissance s’obtient "au bon vouloir des tribunaux et juridictions" , regrette Béatrice Denaes, coprésidente de l’association Santé Trans France. “Certaines mairies, comme celle des Lilas (Seine-Saint-Denis) où plein de mecs accouchent, ne posent pas de problèmes, mais beaucoup d’autres refusent d’inscrire père," soupire Eva-Luna, une <link-text>doula<link-text> qui accompagne des personnes <link-text>queer<link-text> dans leur projet de parentalités.

Le 5 juillet dernier, les député.es de la France Insoumise ont déposé une proposition de loi qui étend la procédure de reconnaissance conjointe anticipée d’un enfant à tous les couples, y compris ceux dont « l’homme accouche de l’enfant ».

Exclus de la PMA

Si depuis 2021, les couples de femmes et les femmes seules peuvent avoir recours à cette technique, les personnes ayant un état-civil masculin en sont exclus. Comme tant d’autres médecins, Noémie Ranisavljevic, gynécologue-obstétricienne à Montpellier, se retrouve ainsi à conseiller à ses patients, qui congèlent leurs ovocytes pour ensuite pouvoir être enceint, de ne pas changer leur état-civil. Si un homme a encore un sexe féminin à l’état-civil, sa relation est considérée comme lesbienne et le don de sperme est possible. “C'est frustrant pour ces hommes qui ne peuvent pas aller au bout de leur démarche de transition sociétale”, s’agace celle qui dénonce “une forme de discrimination“.

L’utilisation de leurs propres ovules est impossible en France, de nombreux hommes se résignent à se rendre en Espagne, où la PMA leur est ouverte. Coût de l’ensemble du traitement ? 3 000 euros. “Cela crée une vraie inégalité”, déplore Arnaud Reignier, médecin biologiste au CHU de Nantes.


La grossesse des hommes : un impensé juridique et médical

Un accès aléatoire à la préservation de sa fertilité

Il est conseillé de congeler ses ovocytes avant d’entamer une transition hormonale, car la prise de testostérone peut affecter les ovules et réduire la fertilité. Sauf que là encore, la vie des personnes trans dépend du bon vouloir des institutions. Le projet de loi déposé par LFI promet de « sanctuariser » l’autoconservation des gamètes pour toutes les personnes.

« Il y a des CPAM (caisses primaires d'assurance-maladie) bienveillantes et d’autres transphobes qui demandent une recommandation d’un psychiatre, alors que c’est illégal, ou qui ne remboursent pas l’intégralité de la procédure », dénonce Béatrice Denaes. “La préservation des ovocytes est un acte médical à connotation féminine, donc un état-civil masculin peut poser problème”, explique Arnaud Reignier, qui n’a cependant jamais eu ce problème à Nantes. Outre la loterie du remboursement, il y a également celle de tomber sur un CECOS (Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme humain) qui accepte de congeler les ovules d’hommes trans. "Il y a de grosses disparités entre les centres de fertilité”, assure le médecin biologiste. Si depuis la loi de bioéthique de 2021, la conservation des gamètes est garantie pour tout patient dont le traitement risque d’altérer la fertilité, "il n’y a pas inscrit dans un texte de loi que la transition hormonale agit dessus. C’est une interprétation médicale que nous faisons.”

Manque criant de formation

Les hommes qui désirent, ou sont enceints, se retrouvent souvent face à l’ignorance des équipes de soins. Durant le cursus médical, il n’y pas de formations à la transidentité. Les centres de préservation de la fertilité et les maternités de Nantes et Montpellier ont dû se former localement pour les accueillir.

Depuis l’année dernière, Santé Trans France organise, un diplôme universitaire «Accompagnement, soins et santé des personnes transgenres» ouvert à toustes les professionnel·lles de la santé et du social dans les universités d’Aix-Marseille, Paris Saclay et Lyon. Treize personnes y ont participé l’année dernière. « Cette année, nous avons trois fois plus d’inscrit·es dont une majorité de médecin généralistes », se réjouit sa présidente.

Sous le manteau de l’association circule une liste de médecins, infirmier.es et sage-femme non seulement <link-text>« safe »<link-text> (non transphobe et lesbophobe) mais qui savent aussi jouer de la législation actuelle pour aider leurs patients.

Pour les lassés des longues procédures, il demeure encore l’option home-made. La <link-text>doula<link-text> Eva-Luna Tholance dispense des formations en vidéo-conférence et a écrit un <link-text>zine pour expliquer les techniques d’auto-insémination artisanale<link-text>. Une pratique historique dans la communauté et une manière, lorsque l’on peut, de sortir des sentiers battus ultra-médicalisés.

En couverture :

En mai dernier, Calvin Klein faisait la controverse dans une campagne mondiale pour la fête des mères. La marque mettait en scène Roberto Bete, un homme transgenre au dernier stade de sa grossesse, et sa partenaire Erica Feeha. La marque a déclaré que la campagne avait pour visée de 'mettre en lumière les réalités des nouvelles familles'.


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La grossesse des hommes : un impensé juridique et médical

10/10/2023
Par Cha Toublanc

Crédit photo : Roberto Bete et Erika Fernandes pour la campagne Calvin Klein. © Instagram

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La grossesse des hommes : un impensé juridique et médical

10/10/2023
Par Cha Toublanc

Crédit photo : Roberto Bete et Erika Fernandes pour la campagne Calvin Klein. © Instagram

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LGBTQIA+

La grossesse des hommes : un impensé juridique et médical

8/2/2024
Par Cha Toublanc

Crédit photo : Roberto Bete et Erika Fernandes pour la campagne Calvin Klein. © Instagram

Appuyez sur les mots cachés pour les lire

Jusqu'en 2016, les hommes trans étaient contraint de se faire retirer l'utérus pour changer de sexe à l'état civil. Depuis, ils peuvent être enceints. Pourtant, des institutions médicales, à la sécurité sociale en passant par la loi, rien ne semble s'être adapté à cette possibilité.

La loterie de l'état civil

En 2019, Ali donne naissance à sa fille. C’est le premier père a accouché avec un état-civil masculin. Il obtient une reconnaissance de sa filiation hors des cases genrées en inscrivant «Salomé, née d'Ali, né le... et de François, né le...». Aux yeux de la loi, la personne qui accouche est encore automatiquement reconnue comme mère de l'enfant. Toute autre mention sur les actes de naissance s’obtient "au bon vouloir des tribunaux et juridictions" , regrette Béatrice Denaes, coprésidente de l’association Santé Trans France. “Certaines mairies, comme celle des Lilas (Seine-Saint-Denis) où plein de mecs accouchent, ne posent pas de problèmes, mais beaucoup d’autres refusent d’inscrire père," soupire Eva-Luna, une <link-text>doula<link-text> qui accompagne des personnes <link-text>queer<link-text> dans leur projet de parentalités.

Le 5 juillet dernier, les député.es de la France Insoumise ont déposé une proposition de loi qui étend la procédure de reconnaissance conjointe anticipée d’un enfant à tous les couples, y compris ceux dont « l’homme accouche de l’enfant ».

Exclus de la PMA

Si depuis 2021, les couples de femmes et les femmes seules peuvent avoir recours à cette technique, les personnes ayant un état-civil masculin en sont exclus. Comme tant d’autres médecins, Noémie Ranisavljevic, gynécologue-obstétricienne à Montpellier, se retrouve ainsi à conseiller à ses patients, qui congèlent leurs ovocytes pour ensuite pouvoir être enceint, de ne pas changer leur état-civil. Si un homme a encore un sexe féminin à l’état-civil, sa relation est considérée comme lesbienne et le don de sperme est possible. “C'est frustrant pour ces hommes qui ne peuvent pas aller au bout de leur démarche de transition sociétale”, s’agace celle qui dénonce “une forme de discrimination“.

L’utilisation de leurs propres ovules est impossible en France, de nombreux hommes se résignent à se rendre en Espagne, où la PMA leur est ouverte. Coût de l’ensemble du traitement ? 3 000 euros. “Cela crée une vraie inégalité”, déplore Arnaud Reignier, médecin biologiste au CHU de Nantes.


Jusqu'en 2016, les hommes trans étaient contraint de se faire retirer l'utérus pour changer de sexe à l'état civil. Depuis, ils peuvent être enceints. Pourtant, des institutions médicales, à la sécurité sociale en passant par la loi, rien ne semble s'être adapté à cette possibilité.

La loterie de l'état civil

En 2019, Ali donne naissance à sa fille. C’est le premier père a accouché avec un état-civil masculin. Il obtient une reconnaissance de sa filiation hors des cases genrées en inscrivant «Salomé, née d'Ali, né le... et de François, né le...». Aux yeux de la loi, la personne qui accouche est encore automatiquement reconnue comme mère de l'enfant. Toute autre mention sur les actes de naissance s’obtient "au bon vouloir des tribunaux et juridictions" , regrette Béatrice Denaes, coprésidente de l’association Santé Trans France. “Certaines mairies, comme celle des Lilas (Seine-Saint-Denis) où plein de mecs accouchent, ne posent pas de problèmes, mais beaucoup d’autres refusent d’inscrire père," soupire Eva-Luna, une <link-text>doula<link-text> qui accompagne des personnes <link-text>queer<link-text> dans leur projet de parentalités.

Le 5 juillet dernier, les député.es de la France Insoumise ont déposé une proposition de loi qui étend la procédure de reconnaissance conjointe anticipée d’un enfant à tous les couples, y compris ceux dont « l’homme accouche de l’enfant ».

Exclus de la PMA

Si depuis 2021, les couples de femmes et les femmes seules peuvent avoir recours à cette technique, les personnes ayant un état-civil masculin en sont exclus. Comme tant d’autres médecins, Noémie Ranisavljevic, gynécologue-obstétricienne à Montpellier, se retrouve ainsi à conseiller à ses patients, qui congèlent leurs ovocytes pour ensuite pouvoir être enceint, de ne pas changer leur état-civil. Si un homme a encore un sexe féminin à l’état-civil, sa relation est considérée comme lesbienne et le don de sperme est possible. “C'est frustrant pour ces hommes qui ne peuvent pas aller au bout de leur démarche de transition sociétale”, s’agace celle qui dénonce “une forme de discrimination“.

L’utilisation de leurs propres ovules est impossible en France, de nombreux hommes se résignent à se rendre en Espagne, où la PMA leur est ouverte. Coût de l’ensemble du traitement ? 3 000 euros. “Cela crée une vraie inégalité”, déplore Arnaud Reignier, médecin biologiste au CHU de Nantes.


Un accès aléatoire à la préservation de sa fertilité

Il est conseillé de congeler ses ovocytes avant d’entamer une transition hormonale, car la prise de testostérone peut affecter les ovules et réduire la fertilité. Sauf que là encore, la vie des personnes trans dépend du bon vouloir des institutions. Le projet de loi déposé par LFI promet de « sanctuariser » l’autoconservation des gamètes pour toutes les personnes.

« Il y a des CPAM (caisses primaires d'assurance-maladie) bienveillantes et d’autres transphobes qui demandent une recommandation d’un psychiatre, alors que c’est illégal, ou qui ne remboursent pas l’intégralité de la procédure », dénonce Béatrice Denaes. “La préservation des ovocytes est un acte médical à connotation féminine, donc un état-civil masculin peut poser problème”, explique Arnaud Reignier, qui n’a cependant jamais eu ce problème à Nantes. Outre la loterie du remboursement, il y a également celle de tomber sur un CECOS (Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme humain) qui accepte de congeler les ovules d’hommes trans. "Il y a de grosses disparités entre les centres de fertilité”, assure le médecin biologiste. Si depuis la loi de bioéthique de 2021, la conservation des gamètes est garantie pour tout patient dont le traitement risque d’altérer la fertilité, "il n’y a pas inscrit dans un texte de loi que la transition hormonale agit dessus. C’est une interprétation médicale que nous faisons.”

Manque criant de formation

Les hommes qui désirent, ou sont enceints, se retrouvent souvent face à l’ignorance des équipes de soins. Durant le cursus médical, il n’y pas de formations à la transidentité. Les centres de préservation de la fertilité et les maternités de Nantes et Montpellier ont dû se former localement pour les accueillir.

Depuis l’année dernière, Santé Trans France organise, un diplôme universitaire «Accompagnement, soins et santé des personnes transgenres» ouvert à toustes les professionnel·lles de la santé et du social dans les universités d’Aix-Marseille, Paris Saclay et Lyon. Treize personnes y ont participé l’année dernière. « Cette année, nous avons trois fois plus d’inscrit·es dont une majorité de médecin généralistes », se réjouit sa présidente.

Sous le manteau de l’association circule une liste de médecins, infirmier.es et sage-femme non seulement <link-text>« safe »<link-text> (non transphobe et lesbophobe) mais qui savent aussi jouer de la législation actuelle pour aider leurs patients.

Pour les lassés des longues procédures, il demeure encore l’option home-made. La <link-text>doula<link-text> Eva-Luna Tholance dispense des formations en vidéo-conférence et a écrit un <link-text>zine pour expliquer les techniques d’auto-insémination artisanale<link-text>. Une pratique historique dans la communauté et une manière, lorsque l’on peut, de sortir des sentiers battus ultra-médicalisés.

En couverture :

En mai dernier, Calvin Klein faisait la controverse dans une campagne mondiale pour la fête des mères. La marque mettait en scène Roberto Bete, un homme transgenre au dernier stade de sa grossesse, et sa partenaire Erica Feeha. La marque a déclaré que la campagne avait pour visée de 'mettre en lumière les réalités des nouvelles familles'.


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